Article du Courrier Français (12 06 09). Philippe Martinet


Article de Philippe Martinet après la représentation du 8 juin
En voici le texte dans un format plus lisible

La mort apprivoisée

Dans Stabat Mater I, on voit des mères venir reconnaître le corps de leur fille qui se sont noyées dans des écluses. A chacune sa manière d'accepter ou de rejeter cette terrible réalité


Jamais facile d'évoquer la mort et d'en faire le thème principal d'une pièce de théâtre. Parce qu'il y a un mystère qui entoure cette réalité incontournable de la vie. Et c'est en plus un sujet tabou dont on ne veut pas parler car il nous détourne de l'agitation fébrile de nos existences et du désir insensé de rester éternellement jeunes. Avec Stabat Mater I de Normand Chaurette. le Théâtre du Nuage Distrait nous entraîne donc sur le chemin qui mène à la mort, que, nous spectateurs, nous suivons avec quelque réticence. Il faut nous convaincre que nous ne serons pas pris dans un piège où le pathos fonctionnerait trop bien, nous anesthésiant et nous privant d'une distance nécessaire à un jugement critique. La pièce que Jean-Marie Lardeau a choisi de monter présente un grand danger qui s'appelle sensiblerie : des mères viennent, dans une chapelle ardente, reconnaître les corps de leurs filles qui se sont noyées dans des écluses. Chacune réagit avec son tempérament, certaines jouent la fausse décontraction, d'autres se réfugient dans les souvenirs heureux, d'autres aussi ne veulent pas voir la vérité en face, et refusent de penser que leur fille peut être morte. Ces mères sont émouvantes dans la façon maladroite qu'elles ont d'accepter ou de refuser cette vérité douloureuse : la disparition d'un être cher. Mais jamais on ne tombe dans un pathos qui serait la solution de facilité pour prendre le spectateur dans une toile d'araignée d'où il ne pourrait s'échapper. Le quotidien ne perd jamais ses droits et ces mères, jouées par des comédiennes qui, avec talent, restent très naturelles, nous émeuvent par leur personnalité jamais bousculée par l'événement tragique qu'elles connaissent. Elles sont agaçantes. drôles. charmantes. sottes, comme elles peuvent l'être dans la vie de tous les jours. La mort est seulement un élément dérangeant qui les oblige à être en léger décalage avec ce qu'elles sont d'habitude. La mise en scène de Jean-Marie Lardeau va à fond dans ce sens, nous présentant des femmes qui ont du mal à entrer dans le moule de mères inconsolables que leur tend la Camarde : voiles noirs, mouchoirs, larmes et révolte coléreuse contre la mort... La vie plus forte que tout. Et la présence de Coccinelle, clown de BD égaré dans cet univers sombre et du préposé qui fait signer les mères quand elles ont reconnu leur fille, contribue aussi à apprivoiser une mort qui ne parvient plus à taire peur...

Philippe MARTINET

Le Stabat à Malraux, c'est fini

Et bien ça y est, le Stabat à Malraux, c'est malheureusement fini...et quelle soirée mémorable! Après une magnifique journée passée tous ensembles à travailler, se soutenir, attendre avec impatience l' heure tant espérée...le spectacle commença enfin, sous la pluie battante, comme si le ciel pleurait lui aussi le chagrin de ces mères...et pendant plus d' une heure, la salle retint son souffle. Nous derrière les rideaux, retenions aussi le nôtre pour guetter un rire, entendre un murmure...mais presque rien...Tant pis, ces mères, nous les avons défendues becs et ongles, corps et âme, sous les yeux et dans les bras du seul homme présent parmis nous, pour les offrir au public, nues, vraies, fragiles, fortes, désinvoltes, endolories, inquiètes....la lumière se mue en noir, et les applaudissements montent, la salle semble sortir avec nous de ce lieu de recueillement, le public nous rappelle. C'est réussi!
Nous avons partagé avec eux la triste destinée de ces mères, ils nous ont offert leur attention, leur écoute...Un vrai moment de partage!
Je ne saurais redire tout l' amour que je ressens pour la Stabat Family...tout ce que je peux dire, et pour offrir une réponse à l' aveu de Jean-Marie, moi quand je suis avec vous, j' ai l' impression de ne plus avoir d' âge, que le temps s' est arrêté.

Stabat Mater, 2ème...

2009.

Faire vivre à nouveau ce qui nous a tant mus et émus trois ans auparavant.

Certains visages sont partis, qui avaient partagé avec nous la première partie de l'aventure et vécu l'éclosion de ce projet.
D'autres sont apparus, qui ont si bien saisi ce qui vit au plus profond de ce Stabat Mater, et qui dépasse le seul champ du texte.

Texte partition, texte poème qui parle si justement de ce que les mots ne parviennent pourtant jamais à décrire.

A vous qui je l'espère viendrez nous voir jouer : prenez le temps de regarder, entendre et écouter les mots de Normand Chaurette, et laissez-vous porter...

Christian Bobin a un jour, écrit ceci :

Christian Bobin a un jour, écrit ceci, dans un livre sur le photographe Edouard Boubat:

D'autres heures suivront, jusqu'à celle où je ne pourrai plus écrire cette phrase et où vous ne saurez plus la lire. Oui, d'autres heures viendront, nécessairement. Ne nous en soucions pas. Pour l'instant, avec nos yeux éphémères, avec nos âmes passagères, saluons-nous, moi en écrivant, vous en me lisant. Boubat passe son temps ainsi, à saluer de jeunes lumières un peu partout sur la terre. Saluer cette vie qui, d'heure en heure, s'apprête à nous quitter, est marque de courtoisie. L'amitié de ce salut fait la terre douce au pas, légère au songe.


C'est dans cet esprit de courtoisie que j'ai souhaité travailler ce Stabat

JML

Sur le programme...

Voici le texte que je me propose de distribuer aux spectateurs à l'entrée du spectacle

Des mères éplorées.

Une chapelle ardente. Des jeunes filles se sont noyées dans les écluses. On ne connaîtra ni les causes ni les circonstances de ces événements tragiques.
Les mères parlent. Elles pleurent, se révoltent, se disputent parfois, tentent de comprendre, disent leur douleur, leur tendresse. S'abandonnent dans une dernière fusion des cœurs.
Elles parlent de paix, de vie, d'amour.
Elles sont poignantes et dérisoires, immenses et minuscules, terribles et parfois drôles.
Face à elle deux hommes. Le préposé et le concierge. Deux manières opposées d'accompagner. On fait ce qu'on peut
Regarder la mort en face, et associer à sa méditation les notions de paix éternelle, de repos et de sérénité, n'est-ce pas une tentative d'apprivoisement, une façon, pour reprendre les mots de Christian Bobin, de " ratisser le chemin par où la mort viendra "
Une leçon de vie faite de mots qui parlent de la mort

quelques vidéos...

Afin de montrer l'ambiance qui règne lors de nos répetitions théâtre, je vous laisse admirer ces vidéos, qui, heureusement pour nous, ne sont que le reflet d'un total bonheur et non de la qualité de notre travail !

On voit ces femmes défiler, reconnaître jour après jour les corps de leurs enfants.
Rien ne transparaît plus dans leur regard, et pourtant, la beauté de ces mères est incroyable...

Derrière ces femmes que vous voyez se cachent de jeunes comédiennes qui m'ont adopté en tant que Coccinelle, qui m'ont fait découvrir leur univers théâtrale et m'ont appris à observer, recommencer et réussir.

Voyez-vous aussi ce jeune homme qui voudrait devenir matelos, là-bas, à l'horizon ?
Celui-ci fascine par son approche parfois décalée et pittoresque, mais qui pourtant soutient et comprend la souffrance de ces femmes endolories.

Enfin, vous pourrez apercevoir avec un peu d'attention l'homme au chapeau, derrière un rideau ou une table de régie. Cet homme là est mon grand père, mais avant toute chose, le metteur en scène du Stabat Mater. Il a le talent de percevoir des choses, de nous les faire trouver.
Il sait aussi mener sa troupe entre les fous rires et la concentration : le joyeux bruit de fond se transforme ainsi en silence. Silence...
Les uns après les autres, nous jouons, nous interprétons, nous aimons.

A vous spectateurs, visiteurs de ce blog, journalistes ou producteurs, un dernier mot :

Laissez vous séduire par cette pièce de Normand Chaurette, venez nombreux aux représentations, et si toutefois vous pouviez nous permettre de jouer dans un autre lieu, la parole sera à vous :

"Oui, ce sont eux. Où voulez-vous que je signe ?"

Ma famille, mon refuge

A toute l ' équipe du Stabat,


Les mots me manquent pour décrire ce que je ressens, mais je vais essayer d' exprimer mes émotions.

Quand un week- end de répétition arrive, une excitation s' empare de moi, non seulement à l' idée de jouer ce texte magnifique, mais aussi de retrouver toute l' équipe, pour moi comme une autre famille. Papa d' abord, notre bien- aimé metteur en scène, maman Maïa, qui cuisine et aime ses enfants comme personne, et les frères et soeurs, Thomas, le seul homme de la fratrie, mais aussi les deux grandes soeurs Sophie et Marion, deux plus jeunes, Charlotte et Jade et la petite dernière que nous voyons grandir,non sans émotion, Marie. Pendant deux jours, tout s' arrête autours et s' efface au profit du Stabat. Je pense Stabat, je mange Stabat, je vis Stabat! On respire d' un seul souffle, on se porte les uns- les autres, on rit au même moment et le rire s' empare de tous et grandit, jusqu ' au metteur en scène qui ne l' écarte pas au contraire, qui regarde amusé et bienveillant ce moment de folie jamais ordinaire...Parfois il reprend son rôle, et sonne l' arrêt des festivités, mais souvent il le laisse s' épuiser seul.

Et puis des moment de grâce pure, où l ' un fait passer une émotion, et les autres retiennent leur souffle, et vivent ensemble la douleur, les souvenirs, la pitié...

N' est- ce pas ça le théâtre? Ou ne devrait- il pas être cela?

Je sors à nouveau d' un week- end, les batteries regonflées, le coeur léger et rempli de moments inoubliables, de repas conviviaux, de chaleur humaine, d' Amour!

Et je veux croire que tout cela n' existe qu' ici, que l' extraordinaire et l' ordinaire se côtoient à cet endroit, que le temps pour moi suspend son vol, le temps d' un week- end, que j' ai trouvé mon paradis terrestre, au milieu de la famille Stabat Mater, mon arche de Noé, qui me protège de mon déluge extérieur et intérieur...

Voilà, le Stabat pour moi, c'est tout ça et plus encore, mais la pudeur m' empêche d' en dire plus et pour moi, c'est déjà beaucoup...

Le Stabat à Joué- Les- Tours

La compagnie du Nuage Distrait sera à l' espace Malraux de Joué-Les- Tours, salle Plisson le 8 Juin 2009.
Venez nombreux!

STABAT MATER 1
de NORMAND CHAURETTE
CREATION 2009 DU THEATRE DU NUAGE DISTRAIT


Normand Chaurette est québécois. Il écrit son Stabat Mater I en 1997.


Quand je pense à ce texte, des mots me viennent en vrac, que je ne veux pas organiser en phrases. Devant tant de beauté s' abolit mon désir d' analyse. Plutôt célébrer...
Les mots ? Poésie, gravité, polyphonie, douleur, tendresse, musique, crépuscule, et encore oratorio, humour, absolu, déchirement, paix, jeunesse.
Beauté.
A quelques-uns, nous essaierons de partager avec vous cette transmutation de la douleur en beauté.
Cette leçon de vie faite de mots qui parlent de la mort.

Jean- Marie Lardeau




Quelques extraits



On pense qu'il s'est résorbé dans le récit de sa naissance, ou qu'il a gagné un mystérieux rivage, cet enfant noyé ruisselant de ses vies antérieures, qui aurait parcouru tous les chemins de la terre, depuis le Maghreb jusqu' aux pôles, en passant par Amsterdam, Venise, Manustro, ces villes naufrage, dont on voit émerger les restes, les ornements, le chagrin, la dentelle.



Mensonge Sabine. Hier encore, tu lui as servi une escalope en lui faisant remarquer que c'est elle qu'on aurait du égorger au lieu du veau.



J'aurais voulu que tu apprennes, à parler, à écrire, à espérer, à comprendre la part de toi- même qui s' imprimait dans l'univers, mais on m' avait dit dès ta naissance que tu ne serais jamais qu'une chose éphémère, petite terreur assoiffée de tendresse



- Même à la morgue vous pétez plus haut que le trou ?
- Madame ne soyez pas grossière.



et nos yeux se remplissaient de larmes sans que nous sachions dire pourquoi nous pressentions en nous- mêmes une paix qui allait durer toujours.





Comédiens:

- 6 femmes:
Charlotte Barbier, Jade Bréchelière, Marie Lardeau,
Marion Louis, Sophie Lubineau, Clémentine Saïs

- 1 homme:
Thomas Champeau

- Metteur en scène:
Jean- Marie Lardeau

- Costumier, décorateur, technicien:
en cours de distribution

- Conditions techniques souhaitées:
espace de jeu
ouverture: 8 mètres

pronfondeur: 6 mètres
hauteur sous plafond: 4 mètres
Lumière: 4 projecteurs face, 3 contre, 3 douches
Son: Lecteur CD et amplification

En cas d'impossibilité d'assurer ces conditions, ne pas hésiter à prendre contact avec le théâtre du Nuage Distrait. Des adaptations sont possibles en fonction du lieu.


Conditions financières:
1800 euros + défraiements + droits d' auteur - négociable sous certaines conditions



SPECTACLE DISPONIBLE A PARTIR DE MAI 2009
contact:
theatre.nuage_distrait@yahoo.fr

NB: On peut trouver à partir de

un travail universitaire de Denyse Moreau sur le texte Stabat Mater 2 de Normand Chaurette.
La plupart des éléments qu'on peut y trouver s'applique aussi au Stabat Mater


Compagnons d'apesanteur















A l'équipe du Stabat…

Merci, ô compagnons d'apesanteur,

Il est des moments que seul le théâtre peut offrir…
des moments où le théâtre dépasse le théâtre pour s'attacher à transmuer la douleur en beauté, la détresse en partage, la déréliction en amour.

Nous vivons dans l'émerveillement un de ces moments, et il dure… Il dure depuis ce jour où dans le préau d'une école tourangelle je vous ai donné à entendre le texte du Stabat et où il est immédiatement rentré en résonance avec ce qui vit au plus profond de vous et que je me garderais bien de nommer.

Il vit dans ces moments de rencontre avec le bonheur grave et la douloureuse sérénité du texte de Normand Chaurette

Il vit dans le souvenir du regard de six comédiens braqués sur une ado-coccinelle et qui racontaient l'amour, la tendresse et le soutien.

Mais il vit aussi dans le rire fou d'une file d'attente devant un chaudron de soupe, comédiens emmitouflés dans d'épaisses couvertures, ce jour de décembre où le chauffage de la salle de répétition s'était mis en grève.

Et dans l'improbable danse latino-américaine improvisée sur les paroles de "samoussa-maïa", cet autre jour de répétition après que notre cantinière bien-aimée nous avait régalé de ses spécialités indiennes (tudieu, c'est-y bon !)

Il vit dans la vie, en somme…

Merci, merci, merci à vous

Et tellement merci à Normand Chaurette.

Au-dessus de l'océan, je vous adresse mon amical salut, Normand

Jean-Marie